Par Virgil Benyayer
Sans une vision claire, les collaborateurs ne comprennent pas les raisons du changement ni leurs bénéfices individuels et collectifs. La communication est cruciale pour susciter une adhésion et éviter les malentendus. Les projets réussis sont d’ailleurs ceux qui répondent à la question : « Pourquoi ce changement est-il nécessaire pour nous tous ? ».
« Le seul changement qui ait vraiment fonctionné, c’est celui où le CEO était impliqué au premier plan », souligne un dirigeant.
Le dévouement visible et actif d’un leader donne un élan décisif. Les transformations où le dirigeant ne « mouille pas sa chemise » ne rencontrent pas le même succès. Le leader doit aller au front, montrer l’exemple, et incarner la vision qu’il défend. Cela exige une conviction forte : pour convaincre les autres, il faut être soi-même convaincu de la nécessité et de la pertinence de la vision.
Lors de la bataille du pont d’Arcole. Face à une armée autrichienne en supériorité numérique, Napoléon a galvanisé ses troupes en se plaçant en première ligne, brandissant un drapeau et criant « Suivez-moi ! ». Sous un feu nourri, il s’est fait tirer dessus, et a manqué de se noyer, mais son audace a inspiré ses hommes, renversé la situation et conduit à une victoire décisive.
Un aspect essentiel pour mener à bien la vision est d’incarner plusieurs filtres, selon le modèle développé par l’auteur et consultant américain Robert Dilts qui combine trois rôles distincts mais complémentaires :
– Le rêveur, qui imagine les possibilités, ambitieuses et inspirantes, incarnant l’élan créatif
– Le réaliste, qui ramène la vision à un principe de réalité, coupant ce qui n’es pas adéquat et traduisant les idées en actions réalisables ;
– Le critique, qui identifie les problèmes potentiels tout en proposant des solutions concrètes pour les surmonter.
Une vision claire doit être holistique, intégrant l’ensemble des parties prenantes puisqu’il est fondamental de comprendre qui et comment va être impacté par la transformation à différents niveaux : interne hiérarchique mais également côté client, partenaires ou autres acteurs externes.
Une telle vision globale garantit que tous les acteurs concernés soient impliqués ou, au minimum, pris en compte dans le processus.
Une transformation réussie commence par un alignement solide au sein du comité exécutif, afin que chaque membre porte la vision avec conviction et clarté, créant une base unifiée pour le déploiement de la transformation.
Une telle opération de transformation ne peut être réalisée seulement par les dirigeants, certains d’entre eux soulignant aussi l’importance du middle management. Le meilleur moyen de s’en rendre compte est que s’ils sont réticents à la transformation, par exemple en étant laissés de côté dans la communication initiale, le changement est bloqué puisque ce sont les cadres intermédiaires qui font le lien entre la direction et le terrain en traduisant la vision stratégique en actions concrètes. « Si le middle management n’est pas convaincu, vous aurez beau multiplier les annonces, le changement ne descendra pas dans l’organisation ».
Un dirigeant insiste donc sur l’importance d’une délégation claire et d’un alignement sur la stratégie entre les différents niveaux de l’organisation pour embarquer efficacement le top management et le terrain.
Il est essentiel d’assurer un mandat clair à ceux qui exécutent le changement, en définissant des objectifs précis en et offrant une marge de manœuvre adaptée pour le middle management.
Sans ces délégations explicites, les équipes risquent de manquer de direction ou de confiance pour avancer. Le but est de disposer de relais internes dans la mise en œuvre de la transformation : ils doivent être bien choisis, formés, et engagés dès le départ pour garantir l’adhésion à tous les niveaux, sortes d’ambassadeurs du changement capables de fédérer et de rassurer leurs équipes.
Mais une vision claire et une délégation bien définie ne suffisent pas si les moyens nécessaires ne sont pas au rendez-vous, tant en interne qu’en externe : « Si on veut un changement, il faut s’en donner les moyens. Sinon, c’est voué à l’échec ». Ces moyens se déclinent en termes de budget et d’investissement humain, technologique et financier ainsi que dans des prestataires accompagnant cette transformation.
Tout ceci montre qu’il est crucial de prendre le temps pour se consacrer pleinement au changement. Le staff, déjà accaparé par ses responsabilités quotidiennes, doit bénéficier de plages spécifiques pour s’approprier la transformation. Cela passe un véritable « mode projet » à travers des ateliers collaboratifs, des ajustements dans les priorités, voire une réduction temporaire de certaines activités opérationnelles, afin de susciter le sentiment d’être une partie prenante du changement.
Cette méthode s’inscrit souvent dans une dynamique où le changement commence par une phase de déconstruction. Avant de se lancer dans une nouvelle stratégie, il est pertinent de déconstruire un modèle existant pour mieux reconstruire ensuite, s’inspirant de la philosophie indienne selon laquelle la construction et la déconstruction sont deux facettes d’une même chose.
Les dirigeants interrogés insistent sur l’articulation de la phase d’embarquement des équipes un et celle de la mise en oeuvre : « Une fois la vision partagée, il faut accélérer et tenir bon pour maintenir l’élan ».
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