IA et gouvernance :

pourquoi l’intelligence artificielle révèle les failles des entreprises

L’IA, un outil ou un révélateur de gouvernance ?

 

L’intelligence artificielle est partout. Selon McKinsey, entre 65 et 71 % des entreprises ont déjà adopté l’IA générative dans au moins une fonction – contre seulement 33 % un an plus tôt. Gartner prévoit même que plus de 80 % des logiciels d’entreprise intégreront des fonctionnalités IA d’ici à 2027.

Les chiffres impressionnent, mais ils masquent une réalité : dans la majorité des cas, l’IA est encore perçue comme un levier tactique, cantonné à l’automatisation de certaines tâches. Pourtant, à y regarder de plus près, l’IA agit surtout comme un miroir organisationnel. Elle révèle les inerties, les routines managériales non questionnées et les failles de gouvernance.

 

La question n’est donc pas seulement “quels outils adopter ?” mais bien “qu’est-ce que l’IA nous oblige à repenser dans notre manière de diriger et d’organiser l’entreprise ?”.

 

Des usages expérimentaux mais rarement stratégiques

 

Dans la plupart des organisations, l’IA est adoptée de manière dispersée. Ressources humaines, marketing ou services clients testent des cas d’usage comme la rédaction de contenus, la préqualification de leads ou l’automatisation documentaire.

Mais selon un expert interrogé, « la plupart des clients n’intègrent pas l’IA au niveau stratégique. L’utilisation reste principalement opérationnelle ».

 

Résultat : l’IA accélère des tâches… sans transformer la structure qui décide de ces tâches. Une couche d’efficacité en plus, mais sans réflexion sur le sens, la gouvernance et l’impact global.

 

Une gouvernance encore inadaptée à l’ère de l’automatisation intelligente

 

Beaucoup de dirigeants reconnaissent ne pas savoir quelle question stratégique l’IA est censée résoudre. Enthousiastes pour les outils, ils manquent souvent de boussole.

Les freins majeurs :

  • des silos persistants,

  • des circuits de décision fragmentés,

  • un manque d’alignement entre IA, vision d’entreprise et projection des compétences clés.

 

Comme le souligne Maximilien Brabec dans la Harvard Business Review :

  1. Quand chaque silo développe “son IA”, on aggrave les cloisonnements existants.

  2. Appliquer l’IA à une organisation déjà complexe et inefficace empêche toute création de valeur réelle.

Une étude du MIT montre d’ailleurs que 95 % des projets d’IA générative n’aboutissent à aucun retour sur investissement.

 

On ne plaque pas un outil intelligent sur un processus mal pensé. Il faut d’abord effectuer un “désherbage organisationnel” : simplifier, clarifier ce qui crée réellement de la valeur et supprimer ce qui entrave.

 

 

L’illusion du temps gagné sans transformation réelle

 

À court terme, l’IA apporte souvent des gains de productivité. Automatiser, simplifier, fluidifier : oui, mais pour quoi faire ?

Beaucoup d’entreprises n’ont pas encore redéfini :

  • les fonctions,

  • les rôles,

  • et les compétences clés.

Résultat : l’IA devient une rustine performante mais non transformatrice. Des économies de surface, sans refonte des métiers ni vision stratégique.

Comme le souligne un cadre interrogé :

« L’IA avance différemment selon les secteurs, mais elle ne peut pas être bien utilisée si on ne maîtrise pas la tâche de départ. »

 

Repenser la gouvernance avant la technologie

 

La véritable question n’est pas “quelle IA adopter ?”, mais “qu’est-ce que l’IA m’oblige à repenser pour créer une nouvelle forme de valeur ?”.

Cela implique un changement de paradigme, et non une simple mise à jour des outils.

La gouvernance doit évoluer pour que l’IA devienne un amplificateur stratégique, et non une rustine technique.

 

Conclusion : l’IA, miroir de vos fragilités

L’IA n’est pas seulement un outil d’automatisation. C’est un test grandeur nature pour la gouvernance des entreprises. Elle révèle les angles morts, les silos et les zones d’inaction.

Pour en tirer une réelle valeur :

  • simplifiez vos processus,

  • alignez vos décisions stratégiques,

  • et osez remettre en cause vos routines managériales.

 

Car l’IA ne transformera pas votre gouvernance à votre place. Elle mettra seulement en lumière ce qu’il est urgent de changer.

Par Virgil Benyayer