Par Virgil Benyayer
L’intelligence artificielle progresse rapidement. Selon une étude de McKinsey (juin 2025), plus de 80 % des entreprises ont adopté des outils d’IA générative. Pourtant, seules 1 % d’entre elles se considèrent matures dans leur usage.
Pourquoi un tel décalage ? Parce que la majorité des organisations oscillent entre deux écueils :
le déni confortable, qui bloque toute réflexion,
et l’hyper-action naïve, qui multiplie les projets sans stratégie.
Dans les deux cas, l’IA est réduite à un gadget technique, loin de son potentiel transformateur.
Dans certains grands groupes, l’inaction se justifie par :
la culture des silos,
la confidentialité des données,
ou encore la complexité réglementaire.
Mais derrière ces arguments, se cache souvent un manque de cadre stratégique clair.
Plusieurs dirigeants interrogés vont plus loin : pour eux, l’IA est parfois perçue comme un buzzword gadget, sans utilité réelle pour les métiers. Ce scepticisme alimente la résistance des équipes support et entretient l’inaction.
Résultat : on optimise des tâches à la marge, mais on ne questionne jamais le pilotage d’ensemble.
À l’opposé, certaines entreprises se précipitent dans l’IA avec enthousiasme… mais sans vision.
Exemples fréquents :
chatbots RH,
copilotes commerciaux,
IA pour trier des CV,
outils génératifs pour automatiser newsletters et propositions marketing.
Cette frénésie donne l’illusion d’avancer, mais elle conduit à un bricolage inefficace. Sans alignement managérial ni réflexion sur les impacts humains, l’IA devient une vitrine technologique, sans effet durable.
Les chiffres confirment ce paradoxe : 80 % des entreprises n’observent aucun gain significatif sur leur résultat opérationnel (BAII) malgré l’adoption de l’IA générative (McKinsey, 2025).
L’IA ne doit être ni ignorée, ni subie dans une course effrénée. Le bon usage de l’IA repose sur un choix stratégique assumé :
Clarifier l’ambition : qu’est-ce qu’on veut transformer, et pourquoi ?
Définir la valeur attendue : où l’IA peut-elle réellement affiner les processus ?
Aligner gouvernance et IA : intégrer la technologie dans une vision claire, partagée et cohérente.
La question n’est pas d’éviter les vagues de l’IA, mais d’apprendre à surfer intelligemment dessus.
Cette réflexion stratégique se traduit déjà dans les organigrammes. Le rôle de Chief AI Officer (CAIO) a explosé en 2024 (+70 % dans les grandes entreprises selon PwC).
Exemples : GE Healthcare, Pfizer, Dell Technologies ont tous intégré un CAIO à leur direction.
Mais attention : le CAIO n’est pas un “geek de plus” autour de la table.
Il incarne :
la convergence entre IA et stratégie de croissance,
la mise en cohérence avec les objectifs d’innovation et d’éthique,
un rôle transversal capable de casser les silos.
Sans gouvernance mature, l’IA, même brillante techniquement, ne produit aucun impact réel.
Le vrai danger de l’IA en entreprise n’est ni la technologie, ni son adoption, mais la mauvaise posture face à elle.
Trop de déni : on reste immobile.
Trop d’hyper-action : on s’agite sans transformer.
La voie médiane consiste à poser un cadre stratégique clair, à intégrer l’IA dans la vision d’entreprise et à en faire un levier de gouvernance alignée.
Car, au final, l’IA ne remplacera pas la stratégie. Elle mettra simplement à l’épreuve votre capacité à décider, arbitrer et exécuter.
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